par Aude Kersulec
Solide et invisible, c’est ainsi qu’on pourrait le définir. D’ailleurs, s’il s’appelle BlackRock, ce qui signifie rocher noir, ce n’est pas pour rien.
Blackrock, un groupe qui fait peur. 7 000 milliards de dollars d’actifs gérés.
Puissant, mystérieux, et en plus de ça, américain. Ce qui amène beaucoup de ses détracteurs à le penser coupable de vouloir dominer le monde et le gouverner selon ses intérêts. Ce serait une force obscure qui influencerait tous les dirigeants politiques et économiques. Toutes les places financières. Et donc quelque part la France et le CAC 40.
Oui, BlackRock détient un peu de l’économie, et c’est un peu une évidence de le dire vu que c’est son métier.
Le métier d’un gestionnaire d’actifs est de placer des actifs que ce soit dans les marchés actions, obligataires et dans une moindre mesure des matières premières. BlackRock ne détient pas d’ailleurs les actifs qu’il place. Ceux-ci lui sont confiés par des fonds de pension, caisses de retraite, banques, collectivités, fondations qui sont ses clients… Et donc in fine, aussi, des épargnants particuliers.
On ne va donc pas lui reprocher de détenir des actions, il faut bien que cet argent soit placé. Mais dans quelle proportion et pour quoi faire ?
Il est en effet intéressant de regarder dans quels pans de l’économie BlackRock est présent. Prenons le CAC 40.
La dernière publication d’Euronext[1] sur les profils des actionnaires détenteurs du CAC 40, du 15 janvier 2019, mais qui se fonde sur des données de 2017, établit les principaux actionnaires.
- Famille Arnault (LVMH) : 3,9 %
- État français : 2,7 %
- Famille Bettencourt-Meyers : 2,3 %
- Société de gestion Vanguard : 2,0 %
- Société de gestionBlackrock : 1,9 %
Les sociétés de gestion (Amundi, Natixis, BlackRock, Vanguard, Fidelity…) gèrent en tout 26 % de l’actionnariat du CAC 40, qui se décomposent en 20 % de gestion active et 6 % de gestion passive. C’est la 1re catégorie d’acteurs, devant les familles de fondateurs (qui détiennent beaucoup de leur capital, et parfois des parts dans d’autres entreprises) et l’Etat avec 40 milliards d’euros (plus présent d’ailleurs sur le SBF que sur le CAC).
BlackRock n’est d’ailleurs pas le premier gestionnaire d’actifs sur le CAC, mais laisse sa première place – de peu – à son compatriote Vanguard (2,3 %, à peine 0,3 % de plus que Blackrock, mais Vanguard fait plus « sympa » que BlackRock, avec une politique qui a toujours été en faveur de l’investisseur, des frais minimalistes. Du coup, le groupe a une bonne image).
Au cas par cas, voici le poids (fluctuant) de BlackRock dans certaines entreprises de la cote :
BNP Paribas : 5,15 %
Bouygues : 4,43 %
Pernod Ricard : 4,89 %
Publicis : 4,89 %
Total : 6 %
Vinci : 4,88 %
Inutile d’aller plus loin… BlackRock flirte régulièrement avec les 5 %, pour à peu près une entreprise sur deux du CAC40. Pourquoi 5 % ? Revenons au rapport d’Euronext, qui, dans son bas de page, précise que l’étude, bien détaillée est loin d’être exhaustive. Seul 60 % de l’actionnariat du CAC 40 est connu et mesuré. 40 % des détenteurs de l’indice sont des actionnaires anonymes, sous le radar car pas assez important dans le capital. C’est la règle du régulateur, l’Autorité des marchés financiers, qui oblige tout investisseur à publier ses positions une fois qu’il dépasse 5 % du capital de l’entreprise.
Car ce qu’on ne dit jamais, c’est que BlackRock est forcément présent dans toutes les sociétés du CAC 40. Puisque rappelez-vous, BlackRock et Vanguard sont des leaders des ETF, ces produits indiciels cotés. Et forcément, pour distribuer des ETF qui répliquent des indices, de manière physique, le gestionnaire d’actifs est obligé de détenir l’intégralité des actions qui le compose.
Il est très probable que BlackRock comme Vanguard détiennent des plus petites positions dans bien d’autres sociétés, sans rentrer dans les radars.
Quelles sont les conséquences de savoir ça et comment BlackRock se sert-il de sa présence dans les assemblées générales françaises ?
Comme tout gestionnaire d’actifs, BlackRock détient des actions pour le compte de clients ou de fonds dont elle assure la gestion. Mais en détenant ces actions, elle détient aussi les droits de vote qui y sont associés.
Puisque évidemment, les épargnants que nous sommes, en plaçant dans des fonds collectifs, nous accordons une délégation du vote. C’est à ce moment-là que l’influence de BlackRock, celle de son fondateur Larry Fink, de sa vision de l’économie, entrent en jeu. Influence officieuse, puisque l’influence officielle, elle, est faite de jolies phrases et de bons sentiments (voir ici la lettre annuelle de Larry Fink).
Or, fin 2019, une étude, celle de l’ONG Majority Action, a affiché BlackRock, en assurant que BlackRock et Vanguard (au passage, finalement aussi épinglé) ont très souvent voté contre des résolutions liées au climat. « Au moins 16 résolutions cruciales pour le climat auraient obtenu la majorité si les deux gérants d’actifs avaient voté en leur faveur » peut-on lire.
Alors de quelle couleur est le CAC 40 ? À cause (notamment) de BlackRock, en tout cas, le CAC 40 n’est pas encore vert.
Et pour l’épargnant, détenir un ETF BlackRock et être soucieux de l’environnement semblerait finalement antinomique.
Aude Kersulec
[1] https://www.euronext.com/en/about/media/euronext-press-releases/euronext-presente-la-deuxieme-edition-de-son-etude-sur
Je m’appelle Guy de La Fortelle et je rédige le service d’information GRATUIT et INDÉPENDANT : L’Investisseur sans Costume.
À partir d’aujourd’hui, je vais vous dire tous les secrets de l’économie et de la finance que les médias grands publics « oublient ».
J’ai écrit un article complet sur Le CAC 40 est-il vraiment couleur BlackRock ?
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